El Euzkadi: l'Odyssée de la paix

[Blackool02]

El Euzkadi: L'Odyssée de la paix


Le 18juillet 1936 débutait la Guerre d'Espagne, un coup d'État militaire initié depuis les garnisons installées au Maroc devait semer le chaos sur le territoire espagnol jusqu'en 1939. Cette guerre qui va s'étendre et devenir une véritable guerre civile va évidemment vider les stades de foot. Dans la région du Pays Basque on va tout de même avoir l'idée d'organiser des matchs de charité entre des équipes représentant les différents partis politique basques. Le succès de ces entreprises va donner l'envie au Gouvernement basque (autonome depuis octobre 1936) de mettre en place une équipe nationale basque chargée de représenter le Pays Basque à l'étranger. Afin de choisir les meilleurs joueurs, une rencontre fut organisée opposant une sélection de Guipuscoa et une sélection de Biscaye, les deux entités régionales du Pays Basque. Un mois plus tard, c'est-à-dire en mars 1937, la sélection basque baptisée "El Euzkadi" vit le jour. El Euzkadi fut composé de 18 joueurs tous ayant déjà participé à des rencontres internationales sous le maillot de l'équipe d'Espagne. Il faut rappeler qu'à cette époque le football basque était dominant en Espagne et que près d'un tiers des joueurs de la "seleccion" était d'origine basque. Luis Regueiro fut nommé capitaine de l'équipe et Pedro Vallana (ancien défenseur des Arenas de Getxo) se vit confier la direction sportive de la sélection basque. El Euzkadi était chargé de récolter des fonds destinés aux milliers d'enfants basques déportés durant la guerre. En effet pendant la Guerre d'Espagne, plusieurs milliers d'enfants espagnols furent réfugiés un peu partout à l'étranger pour échapper aux sévices de la guerre et à l'abri du fascisme. Les destinations de ces enfants furent multiples: France, URSS, Mexique, Belgique, Angleterre entre autres... Le second objectif d'El Euzkadi était de défendre la cause basque, montrer aux yeux du monde que le Pays Basque est une nation à part entière et dénoncer les terribles méfaits de la guerre civile. Luis Regueiro déclara à la presse européenne " Notre mission est purement humanitaire et pacifique. Les bénéfices n'ont jamais servi à l'achat d'un seul fusil, mais à réparer les misères produites par la guerre. Le peuple basque manque de vivres. Nos parents, nos frères, nos enfants n'ont pas une bouchée de pain (enfin à peu près, j'ai encore des lacunes dans la traduction :p)".

1re partie

Le début de l'aventure

Premier obstacle du périple des basques: éviter les patrouilles franquistes qui avaient pris le contrôle de l'espace aérien de la région. L'avion arriva à l'aéroport de Paris le 24 avril soit deux jours avant le tristement célèbre bombardement de Guernica par l'armée nazie. La tournée d'El Euzkadi qui ne devait pas dépasser les 2,3 matchs va finalement être modifiée. Les images de Guernica vont sensibiliser "l'opinion internationale" et vont pousser les basques à élargir leur champ d'action. Après s'être imposés face au Racing de Paris (champion de France) sur le score de 4 buts à 2, ils vont battre l'Olympique de Marseille et perdre ensuite face au FC Sète. Direction Prague pour la suite de la tournée, où les basques vont perdre 3-2 contre la sélection nationale Tchecoslovaque. Le match suivant fut disputé en Pologne dans la ville de Katowice contre le club local de Silésie avec à la clé une victoire 5-4. Un autre match aurai dû être disputé à Varsovie mais le match fut empêché par l'Eglise catholique polonaise qui était alors solidaire de la "Cruzada franquista" (croisade franquiste, Franco était très proche de l'église catholique et a instauré en Espagne un régime très conservateur). En revanche, l'URSS a accueilli la sélection basque les bras ouverts, compte tenu de leur acte de résistance. Franco avait une haine viscérale des républicains, des socialistes et des communistes. Appartenir à ces courants étaient un délit sous le régime franquiste, d'où l'intérêt des soviétiques à recevoir des opposants aux franquisme. Les basques ont duré près de deux mois en URSS, sillonnant la Russie, l'Ukraine, la Bielorussie et la Géorgie. Le bilan d'el Euzkadi fut assez bon avec 7 victoires dont une face au champion, le fameux Dynamo de Moscou, un nul et une défaite. Et quelle défaite! Le Spartak Moscou leur a infligé le score de 6 buts à 2. Cependant Starostin qui, à l'époque était le capitaine du Spartak tenu quelques années des propos tels que ceux-ci: " Le fait de disputer des matchs contre les basques fut un véritable événement historique pour le football russe. Nos entraineurs s'inspirèrent du système de jeu des basques. Je pense que le football russe est véritablement né en 1937".

La tournée se poursuivi ensuite dans les pays nordique, direction la Norvège puis le Danemark avant un retour à Paris. En octobre, juste avant d'embarquer pour l'Amérique, le groupe connu ses première défections. Guillermo Gorostiza et Roberto Etxeberria deux anciens joueurs de l'Athletic Bilbao décidèrent de rentrer au pays pour des raisons familiales. Ils furent autorisés à rentrer chez eux sans représailles des autorités franquistes.

2e partie

L'aventure américaine

El Euzkadi se rendit à La Havane à Cuba pour poursuivre son entreprise de promotion de la cause basque. En 1922, une sélection basque s'étaient exporté en Amérique latine et avait lamentablement échoué et les basques avaient à cœur de montrer une autre image. Au Mexique, ils disputèrent une dizaine de matchs, remportant sept matchs pour deux défaites et un nul. Ils ont notamment battu à trois reprises l'équipe nationale. En janvier 1938, ils se rendirent de nouveau à Cuba jusqu'au 27 février. Les performances basques furent unanimement saluées. Voilà les propos d'un journaliste sportif cubain de l'époque " l'équipe basque a joué à La Havane sans cette furie qu'avait pu montrer les Espagnols lors des Jeux Olympiques d'Anvers. Les forces de cette équipe sont l'agressivité, l'énergie, la virtuosité et la rapidité".

L'étape suivante fut l'Argentine alors qu'au même moment des voix commencèrent à s'élever en protestation contre ces matchs de gala. L'autorité fasciste espagnole condamna fortement l'organisation de ces matchs. Plus étonnant, la FIFA également se montra hostile, n'accordant aucune légitimé à cette sélection basque. Elle obligea les joueurs basques à demeurer durant deux mois dans un village à proximité de Buenos Aires sans pouvoir jouer.(J'ignore bien comment elle a pu). Pour ne rien améliorer, l'entraineur Pedro Vallana décida de quitter l'équipe. De nombreux footballeurs basques furent sollicités par des clubs argentins mais ils décidèrent de rester unis et solidaires et ainsi refuser toute offre de contrat. Après deux mois d'inactivité, El Euzkadi retourna à Cuba puis rejoindra les Etats-Unis et le Canada. Malheureusement aucun match ne sera joué en Amérique du Nord.

Ce sera finalement une collaboration plus inattendue qui sera conclue avec le Mexique. Ce pays étant farouchement opposé au nouveau régime espagnol, il est aisé d'imaginer qu'El Euzkadi serait bien accueillie, d'autant plus que le Mexique a été une terre de refuge pour une partie des enfants déportés d'Espagne. Non ce qui est plus surprenant, c'est le fait que la selection basque fut incorporée au championnat de première division mexicaine en aout 1938! C'est sous le nom de "Club Deportivo Euzkadi" que va prendre part notre équipe basque durant cette saison 1938-1939. Les basques vont continuer à pratiquer leur beau jeu et terminer vice-champion du Mexique. Une prouesse qui vaut le coup d'être signalée.

L'aventure humaine prendra fin le 18 juin 1939 après un dernier match amical face à l'équipe paraguayenne de l'Atletico Corrales. En Espagne, la Guerre civile est belle et bien terminée, les phalanges franquistes ont eu raison des Républicains et ont pris le pouvoir. Certains joueurs vont rejoindre des clubs argentins ou mexicains. D'autres vont rentrer au pays jouer en Espagne, puis d'autres comme Luis Regueiro vont tout simplement mettre fin à leur carrière. La sélection basque disparu alors du circuit international. Il faudra attendra le 2 mars 1978 soit trois ans après la mort de Franco pour voir renaître une sélection basque.

Blackool02

[marshall23]

Encore un morceau d'Histoire que je ne connaissais pas, merci Blackool de nous faire partager ça

Courageux ces hommes, j'espère que tu nous raconteras comment s'est terminé leur périple et quelles ont été les répercussions sur l'Espagne.

[omzebest13]

Comme d'habitude, très sympa à lire et puis c'est une facette qu'on connait pas du tout, enfin pour ma part. Je savais pas que le foot était mêlé à des choses comme ça, tant mieux.

J'ai très envie de lire la suite.

Comme le dit marshall23, merci de nous faire partager cette partie du football que l'on ne connait pas ou très peu.

[Blackool02]

Encore un morceau d'Histoire que je ne connaissais pas, merci Blackool de nous faire partager ça

Courageux ces hommes, j'espère que tu nous raconteras comment s'est terminé leur périple et quelles ont été les répercussions sur l'Espagne.

Je vais bien sur dire comment tout cela va finir, après pour ce qui est de la répercussion en Espagne c'est justement la partie de travail qui me manque et que je dois fournir pour que ce soit complet. Je me suis appuyé là essentiellement sur l'ouvrage d'un journaliste espagnol. Un journaliste qui par définition n'est pas forcé de citer ses sources et qui produit un travail bien moins scientifique qu'un historien.

Mon avis personnel est que ce n'était pas dans l'intérêt du pouvoir en place en Espagne que cette tournée soit médiatisée. L'on sait aussi que dans les régimes totalitaires comme celui de Franco la presse était très contrôlée. Néanmoins il paraît que la presse sportive jouissait d'une liberté relativement grande comparée à la presse généraliste. Mon job ça va donc être d'éplucher les archives de la presse de l'époque pour voir les éventuelles traces de cette tournée.

La première année de master on s'attarde essentiellement à faire le tour des choses écrites sur notre sujet. L'an prochain j'irais en Espagne pour consulter des archives. J'ai postulé pour partir en Erasmus dans cette optique, ce serait l'idéal. Enfin bon là j'attend de voir si mon dossier est retenu.

[Maldini76]

Beau boulot Blackool
Je te souhaite de pouvoir continuer à concilier études et passion

[Blackool02]

2e partie en ligne!

[marshall23]

Ils ont quand même essayé de les faire taire en leur interdisant de jouer
Chapeau à tous ces hommes qui sont restés unis et qui ont porté fièrement leurs couleurs dans le championnat mexicain. Histoire très surprenante mais belle, un signe fort des mexicains quand même.

Je me pose une question mais je ne sais pas si tu as la réponse ; les joueurs qui sont rentrés en Espagne ont eu des soucis avec le gouvernement ou ils ont pu reprendre une vie normale si on peut dire ça comme ça ?

[Blackool02]

C'est justement le genre de questionnement auquels je dois trouver réponse. Là pendant toute l'année je ne fais essentiellement que chercher des évènements importants qui se sont produits en rapport avec mon sujet. L'an prochain je vais consacrer davantage de temps à éplucher les sources pour trouver des éléments supplémentaires. Voir quel impact médiatique cela a eu en Espagne sachant que la presse sportive était relativement plus libre.

A priori j'aurai tendance à penser qu'il n'y a pas eu de représailles mais ce sont des choses à vérifier. Franco était quelqu'un de tout même assez pragmatique, il tapait fort mais savait diminuer la pression de temps à autre. Justement l'un de mes objectifs dans ce mémoire c'est de voir le degré de tolérance du pouvoir vis-à-vis du football.

Ensuite il ne faut pas non plus être dupe concernant le Mexique,, comme je le précisais, les mexicains étaient très hostile au franquisme. On voit bien que la Russie et Cuba sont des nations qui ont été les plus accueillante et c'est compréhensible car Franco a combattu farouchement le communisme. Rien de mieux pour embêter un opposant que de soutenir les ennemis intérieurs. De même avec le match en Pologne qui a été annulé, les basques sont très catholique, mais vu que le régime franquiste envisageait de redonner de l'importance à l'Eglise catholique dans l'Etat espagnol, il était dans leur intérêt de soutenir Franco et rejeter ses opposants.

[Contenu sponsorisé]