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Eric Carriere : L'interview

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Eric Carriere : L'interview Empty Eric Carriere : L'interview

Message par Vinssa" Sam 4 Fév - 1:01

Tres longue interview de l'ex Nantais, le lien directement pour ceux qui prefererait aller la voir directement sur le site : http://www.hors-format.net/2012/01/01/eric-carriere/

Dès la prise de contact, Eric Carrière se montre disponible et investi dans le projet qui lui est présenté. Rendez-vous est pris le 15 décembre dans un hôtel parisien où il a ses habitudes lorsqu’il se transforme en consultant pour la chaîne cryptée. Affable, souriant, passionné, l’homme est fidèle à sa réputation. Un journaliste écrivait un jour que Carrière n’osait pas interrompre une interview, question d’éducation. Une fois encore, il accepte de déborder allégrement pour évoquer son parcours et son amour du jeu dans une conversation à bâtons rompus. Entretien hors format.

Hors Format : Lorsque l’on se replonge dans une si longue carrière, il est difficile de trouver une cohérence entre chacune des étapes qui ont marqué celle-ci. Le plus évident était de retracer votre parcours dans sa chronologie. Vos premiers ballons, vous les frappez à Auch, en 1981. Gardez-vous des souvenirs de vos premiers contacts avec le terrain ?

Eric Carrière : Oui. Heureusement. Pour la petite histoire, c’est même à Villenave-d’Ornon, près de Bordeaux, que j’ai débuté à l’âge de six ans même si je garde peu de souvenirs de cette période. Mon papa a ensuite été muté à Auch et c’est là-bas que j’ai continué en club. Surtout, j’ai un frère qui a un an de plus que moi, on jouait beaucoup à la maison. Il était plus fort physiquement et cela m’a permis de progresser. On a ensuite déménagé. On avait un terrain qui était en pente, mon père a terrassé, a récupéré deux grands buts et nous faisions des « un contre un ». Soit en dribbles, soit en frappant de vingt mètres.

J’ai lu que vous utilisiez également les chaises de la cuisine…

Tout à fait. Quand on me demande de comparer le football avec d’autres sports, je dis souvent que le football, on peut y jouer partout. On prend une feuille de papier que l’on roule, une balle de tennis et l’on peut jouer dans une maison. Avec mon frère, on jouait dans le couloir. Si on veut faire un tennis et qu’il n’y a pas de filet, c’est embêtant. Il y a très peu de sports que l’on peut pratiquer aussi facilement.

Adolescent, vous déclarez avoir rêvé « comme tous les gamins » (NDLR : dans un portrait réalisé par LIBERATION en 2001) devenir professionnel. A deux reprises, vous êtes recalé du sport-étude de Toulouse sur des critères physiques. En étant très jeune, comment vit-on ce type d’échec ? Comme une injustice ?

Non, non. Avec le recul, c’est difficile de me souvenir. A l’époque, j’avais envie, d’autant plus que certains de mes copains avaient été pris. Mais finalement, je pense que ça a été une bonne chose pour moi. J’étais trop jeune et j’avais besoin d’un équilibre familial. Et puis, surtout, je n’étais pas un super joueur. J’étais un bon joueur de club. A l’époque en minime ou cadet, l’équivalent des U15 et des U17 aujourd’hui, lorsque j’étais première année, j’évoluais en réserve et c’est seulement en deuxième année que j’intégrais l’équipe première. Je n’étais pas largement au-dessus. Notamment au niveau athlétique. Déjà, quand tu ne vas pas très vite, c’est difficile de faire des différences…

Ces deux refus ont-ils constitué une motivation supplémentaire ?

Je ne le sais pas. Quand j’étais en troisième, dans mon collège de Auch, ils ont créé une classe foot que j’ai intégrée. A l’issue de la troisième, j’ai passé les tests pour intégrer la sport-étude de Toulouse, je n’ai pas été pris. Même chose après la seconde. J’ai donc continué à Auch avec le parcours classique d’un amateur. C’est vrai que sur les vœux, à l’école, je ne mettais plus « footballeur professionnel » alors que je l’ai fait durant toutes mes années au collège. Néanmoins, j’ai toujours été lucide quant à la difficulté de devenir footballeur. C’était un espoir, un rêve plus qu’un objectif.

Quelles sont les réactions de votre entourage à ce moment- là ? Leur réflexe était-il de tempérer vos espoirs ?

C’était plutôt l’inverse. Quand tu passes un test et que tu n’es pas pris, il y a forcément de la déception. Mais la vie continue. J’étais avec mes copains, on se connaissait très bien pour avoir joué depuis de nombreuses années ensemble. Je ne me suis pas du tout pris la tête par rapport à ça. Je me disais simplement que je ne serais pas footballeur professionnel, comme ça arrive à beaucoup d’autres.


Votre bac en poche, vous vous installez à Toulouse. Vous vous engagez à Muret (National), tout en continuant vos études. Durant ces années, vous avez déclaré que parmi vos proches, beaucoup évoquaient la possibilité d’aller plus haut. Ces témoignages vous ont-t-ils permis de prendre conscience de vos capacités alors que vous aviez tendance à vous considérer comme un joueur ordinaire ?

J’ai eu mon bac à dix-neuf ans, tout en jouant à Auch, en PH puis en DHR. Je faisais mes premières armes là-bas et j’étais fier déjà d’évoluer en équipe une. J’ai le bac, je pars à l’université de Toulouse qui se situe à un peu moins d’une heure d’Auch. Faire des allers-retours trois à quatre fois par semaine pour m’entrainer, ce n’était pas possible. Du coup, je décide de chercher un club près de Toulouse. Je rejoins donc Muret qui était en National. Je signe pour évoluer avec la réserve, en DH. Ce fut le cas durant un an et demi. J’étais d’abord remplaçant avant de parvenir à gagner ma place en DH. Petit à petit, j’ai commencé à évoluer en National où j’ai ensuite évolué régulièrement pendant une année et demi. Là aussi, il m’a fallu un peu de temps pour être au niveau. Pour la petite histoire, je me rappelle d’un article qui était paru dans la presse locale à cette période. J’étais entré en jeu et j’avais rapidement perdu un ballon qui amena un but pour l’équipe adverse (rires). Le journaliste avait voulu faire un bon mot en jouant sur mon nom et en écrivant que je ne ferais pas une longue carrière à ce niveau. Ce sont de petites choses dont on se rappelle ensuite. Pour revenir à ce que tu disais, c’est vrai que mon père avait toujours tendance à me dire, comme tous les papas j’imagine, « Regarde, lui, il n’est pas plus fort que toi ». Il avait raison. Sauf que moi, je me suis toujours placé en dessous des autres. Par contre, en ayant toujours l’objectif d’être meilleur et de travailler dans ce sens. Systématiquement, je me fixais sur un joueur de l’équipe, le concurrent à mon poste. Et, sans méchanceté, loin de là, je me disais « Si je peux le doubler, ça sera pas mal ».

Vous parlez de votre façon de minimiser vos performances. Cette attitude n’est-elle pas étroitement liée à votre style de jeu. Celui d’un joueur qui a besoin des autres pour exister ?

On retrouve très souvent la personnalité d’un individu dans son jeu. Celui qui a un égo très fort, cela se verra dans sa manière de jouer. Je ne vais pas dire que je n’ai pas d’égo, ce n’est pas vrai. Moi aussi, j’aime être au centre du jeu, toucher beaucoup de ballons. Mais il est vrai, aussi, que j’étais, et je le suis toujours quand je joue avec des copains, dépendant des autres sur le terrain. Cela s’explique aussi par le fait que j’aime échanger avec les autres. Je suis d’ailleurs persuadé que ma façon de voir la vie alliée à mon niveau footballistique m’a beaucoup aidé tout au long de ma carrière. C’est aussi ce qui m’a, à mon sens, permis d’aller au maximum de mes possibilités. Ce qui fait que lorsque l’on arrête, on n’a aucun regret. Certains me disent : « Tu aurais dû jouer plus souvent en équipe de France ». Je réponds par une image qui m’est restée. A l’âge de dix-huit ans, je trottine autour du terrain, l’entraineur m’appelle au centre et m’annonce que je vais débuter un match qui se jouera à Tarbes. Je m’en rappelle très bien, il s’agissait de mon tout premier match en équipe sénior, en Promotion Honneur, et pour moi c’était déjà le top. Alors quand on me dit que j’aurais dû avoir plus de sélections, je réponds que je suis bien content d’en avoir eu dix (sourires).

Vous dites être arrivé en sélection avec de grands yeux en observant les joueurs qui composaient cette équipe à l’époque. Ce côté admiratif ne vous a-t-il pas desservi ?

Pas du tout. Je regarde les mecs avec des grands yeux, mais, une fois sur le terrain, je deviens tellement joueur et j’ai tellement la volonté de montrer ce que je vaux que ça ne m’a pas desservi. Cela n’empêche que tu peux avoir le respect et être juste heureux d’évoluer avec des mecs de très haut niveau. Je m’en aperçois aujourd’hui quand je joueavec des gars, des jeunes que je ne connais pas. Ils sont heureux de jouer avec moi comme moi je l’étais de jouer avec des Zidane ou des Desailly. C’est aussi une forme de respect et de conscience du moment que tu es en train de vivre. Au contraire, je pense que ça m’a beaucoup servi…

J’anticipe un peu dans la chronologie de l’entretien mais les joueurs avec qui vous avez évolué en fin de carrière, à Lens, à Dijon, avaient-ils tous conscience de la chance et de l’importance de jouer avec quelqu’un comme vous ?

(il réfléchit). Je n’ai pas retrouvé un entraineur qui était aussi performant que Denoueix pour faire comprendre à la majorité d’un effectif l’importance de jouer collectif. Il y a des joueurs que j’aurais souhaité voir jouer plus collectif.

Vous pensez vraiment que c’est du ressort de l’entraineur, ou l’individu ne doit-il pas, par lui même, s’en rendre compte ? Pour rester sur votre cas, n’était-il pas logique pour eux de se dire « J’ai le privilège d’évoluer aux côtés d’Eric Carrière, un international au parcours atypique qui pourra m’apporter beaucoup » ?

Certains étaient dans ce tempo là. Des jeunes joueurs comme Aubameyang ou Ribas avec lesquels j’ai terminé à Dijon.

Ils étaient à l’écoute ?

(du tac au tac) Vraiment à l’écoute. C’est super agréable. D’autres moins, malheureusement. Ceux-là, ils s’écartent d’eux-mêmes. Un joueur qui est individuel, bien qu’il soit content de jouer avec moi, il ne saura pas faire un « une-deux ». Il n’aura pas les mouvements pour. Et ça, tu peux lui expliquer… Pour te donner une idée, quand je suis arrivé à Nantes, j’étais un joueur assez bon techniquement, mais, dans la conscience collective, ça comporte les déplacements et le fait de savoir donner le ballon à ton partenaire pour qu’il puisse l’utiliser au mieux, j’étais très moyen. C’est là que j’ai beaucoup appris…

Justement, je lisais récemment une interview de Jean-Claude Suaudeau (NDLR : entraineur à Nantes, notamment entre 1991 et 1997) qui disait à ce sujet : « Eric se définissait seulement à travers lui-même. Il était rapide mais pas pour le tempo de l’équipe. Quand il a débarrassé son jeu de tous ces parasites, il nous a beaucoup apporté beaucoup ». Cela rejoint ce que vous venez de me dire ?

Ce qu’il dit est exact. Il y avait pas mal d’incompréhension entre lui et moi. Suaudeau était quelqu’un qui aimait tester les gens et allait, parfois, dans le conflit. Et moi, ce n’est pas du tout mon truc. J’ai besoin que l’on m’explique les choses de manière posée, que l’on argumente. Paul Le Guen (son entraineur à Lyon entre 2002 et 2004) me disait que j’aimais la réflexion, j’étais un cérébral.

C’était une critique ?

Non, non… Enfin si, parfois c’était une critique (rires). Parce que ça l’embêtait que je vienne le voir dans son bureau pour lui demander qu’il m’explique certaines choses. Pour revenir à Suaudeau, c’était plutôt quelqu’un qui te rentrait dedans quand tu ne faisais pas ce qu’il voulait. A toi de réagir ou pas. C’était assez compliqué pour moi. Je me suis épanoui avec Denoueix, pas avec Suaudeau.

L’entraineur doit-il, quoi qu’il arrive, conserver sa ligne de conduite, ou son rôle est-il de s’adapter aux différents individus qu’il a en face de lui ? Pour vous, en discutant et en vous mettant davantage en confiance.

Oui, normalement il doit pouvoir s’adapter. C’est en train d’évoluer car il y a quinze ans les connaissances étaient réduites dans beaucoup de domaines. La préparation physique était la même pour tout le monde alors que chaque joueur, selon son poste, a des attentes différentes. Au niveau psychologique également. (il marque une pause) Je reviens un peu sur ce que tu me disais tout à l’heure sur le fait d’être tellement heureux, voire impressionné, d’être avec certains joueurs. C’est un truc dont je n’ai jamais parlé, je crois. Quand j’étais dans le tunnel, avant la rencontre, je regardais les mecs à côté et je me disais : « Ils vont me tuer » (rires). Athlétiquement, l’écart était énorme. Pourtant, dès que le coup de sifflet retentissait, c’était comme si il n’y avait plus cet écart physique dans mon esprit. D’ailleurs, j’ai toujours aimé aller au contact, tout en faisant attention…

Avez-vous eu peur certaines fois ?

Parfois, ça m’impressionnait. Certains étaient des monstres (sourires). Et très peu étaient là pour être gentils (sourires). J’en souriais tout seul. Je me disais que de toute façon, une fois sur le terrain, je serais plus content de jouer contre un costaud que face à un adversaire vif. Néanmoins, dire que je n’ai jamais eu peur, ce serait mentir. Avoir peur, je pense que cela fait partie du sport. Ce qu’il faut, c’est arriver à la contenir. Au fil de ma carrière, c’est quelque chose que j’ai beaucoup travaillé.

Je souhaitais évoquer ce sujet plus loin. Je profite que l’ayez fait spontanément pour m’attarder là-dessus. Le manque de confiance et la peur sont des paramètres que l’on oublie d’évoquer lorsque l’on analyse la prestation d’un joueur. Vous confirmez avoir connu ces sentiments.

Oui, mais c’est le cas pour tous les joueurs. Je peux même te dire qu’aujourd’hui, lorsque je commente un match, je vois le joueur qui a peur. Cela se ressent au niveau du jeu. Pour l’avoir vécu, quand on commence à rater plusieurs contrôles faciles… C’est le manque de confiance, la peur de mal faire, de perdre le ballon. On a plus de chance de le perdre dans cet état d’esprit plutôt qu’en étant actif. Tout le monde l’a vécu un jour. Sauf que dans ce milieu, il ne faut surtout pas le dire. J’ai été acheté à Lyon pour 80 millions de francs (NDLR : A ce jour, il s’agit encore du dix-huitième transfert le plus important réalisé par un club de L1). Ce montant, c’est comme une chape de plomb qui te tombe sur les épaules. Moi, je n’avais pas demandé à être acheté 80 millions. Il fallait que je sois à un certain niveau et j’avais peur de décevoir les espoirs placés en moi.

Vous voulez dire que le joueur ressent parfaitement le poids de son transfert ?

Oui, oui. En particulier l’attente des gens. Plus tu vas haut, plus cette attente existe, plus les médias sont exigeants, plus les supporters sont exigeants. Si, en étant international, tu fais le même match qu’un jeune joueur qui débute, l’analyse ne sera pas la même. A l’image de Javier Pastore.

C’est humain, mais, n’est-ce pas une erreur de juger les performances d’un joueur par rapport à l’indemnité de son transfert ? C’est le cas avec Pastore depuis qu’il est moins performant.

Je le dis souvent mais lui n’a jamais demandé à être acheté 43 millions d’euros. Mais c’est vrai que pour l’opinion publique, c’est quelque chose d’humain. Il faudrait faire des ratios, peut-être…

Sur l’aspect sportif, c’est impossible.

Ce serait possible sur le marketing, les ventes de maillots. Si tu mets 43 milions sur un joueur et qu’il t’en rapporte autant en maillots, déjà… C’était des calculs qui avaient été faits lors des arrivées de Zidane ou de Ronaldo à Madrid. Ce serait intéressant que le grand public ait ces données en sa possession. Cela permettrait de dire « Voilà, il nous a déjà rapporté autant qu’il nous a coûté, alors arrêtez de l’emmerder » (rires). Le joueur est un peu pris en otage de son indemnité de transfert. Et humainement, ça a un impact. Il y a également d’autres aspects qui entrent en ligne de compte. Par exemple, quand un entraineur te fait venir, tu as envie de lui rendre sur le terrain. On peut également parler de l’attente des supporters. Pour le public lensois avec qui j’avais une relation particulière, je peux te dire que j’étais vraiment frustré la dernière année.


Reprenons le fil de votre carrière. Racontez-nous les années qui ont précédé votre arrivée à Nantes où vous effectuez un stage en 1994 et où, là encore, le staff était réservé quant à votre capacité à intégrer l’équipe. Je crois que Robert Budzinski a eu un rôle déterminant à ce moment-là.

Cela a toujours été compliqué. Quand certaines personnes me parlent de ma carrière et me disent que j’ai explosé très vite, je ne suis pas d’accord. J’ai commencé en PH, puis en DHR, en DH, je suis passé en National difficilement, et, sur mes dix-huit mois en National, je ne me souviens pas avoir mis un seul but. Par contre, pour la petite histoire, c’est assez drôle, je jouais en équipe de France des finances grâce au travail de mon papa. Les fils d’agents avaient le droit de jouer. En jouant un match contre l’équipe de France corpo à Clairefontaine, Guy Hillion, l’ancien recruteur Nantais, était là pour une détection dans l’optique des Jeux de la Francophonie. Il me voit jouer à côté, il s’intéresse à moi et je suis pris. Cette même année, en 1994, je fais un stage à Caen où on me propose un contrat amateur. Ma future épouse, qui poursuivait alors ses études, n’était pas très emballée à l’idée de partir à cette époque. Du coup, je suis resté un an de plus à Muret. Il y a ensuite ce stage à Nantes qui ne se passe pas très bien. Je sortais d’une entorse du genou. On s’entrainait une à deux fois par jour alors que j’avais l’habitude de faire trois séances par semaine. Et encore, trois petites séances (sourires). Plus tard, Budzinski vient me revoir lors d’un match à Muret. Si mes sources sont bonnes, il venait d’ailleurs observer un autre joueur que moi. C’était face au Paris FC, on gagne 6-0 et je fais un super match. Tout de suite après, il m’a dit : « On te veut ».

C’était une période où vous ne gagniez pas un match avec Muret.

C’est assez incroyable. Nous étions derniers du championnat…

Votre carrière a tenu à très peu…

Oui, une carrière tient à rien à certains moments. Mais, si derrière je n’avais pas assuré, ce ne serait pas passé non plus. Tiens, je vais également te parler de quelque chose que j’ai très peu évoqué. Je suis donc contacté par Nantes, on trouve très vite un accord avec mon agent, qui était l’agent de Dominique Casagrande et qui m’avait démarché. Ils me prenaient deux ans dans le groupe professionnel. C’était en 1995 et le club venait d’être sacré champion haut la main. Le jour où je monte à Nantes avec mes parents pour signer mon contrat, on arrive dans le bureau et Budzinski me dit qu’il y a un problème et qu’ils ne peuvent pas m’intégrer au groupe professionnel en raison du nombre déjà conséquent de joueurs. Ils imaginaient que deux joueurs partiraient et ceux-là sont finalement restés. Donc nous n’avons rien signé. Ils m’ont alors proposé de signer en tant que stagiaire. On a réfléchi un peu et j’ai finalement signé alors que Toulouse et Metz souhaitaient également m’avoir. Nantes correspondait à mon idéal de jeu. Mais ce n’était plus la même chose, au lieu d’évoluer avec les pros, j’évoluais avec des jeunes joueurs de dix-sept, dix-huit ans. J’en avais vingt-deux ! Après quelques entrainements, je me fais une tendinite du genou et je suis « out » pour trois mois.

Cette blessure était due à la surcharge de travail comparée à celle que vous connaissiez jusque là ?

En partie. Il faut dire aussi que j’avais une hygiène de vie d’amateur. Je jouais avec l’université, avec les finances. D’ailleurs, pour l’anecdote, j’ai rejoué avec l’équipe de France des finances en juin dernier. Je leur avais promis que le jour où j’arrêterais, je retournerais jouer avec eux. C’était un petit tournoi international organisé en Hongrie entre six pays et c’était très sympa. Je devrais également faire celui en Autriche en juin prochain.

Ça résume bien votre passion pour ce sport. Peu le feraient…

J’ai l’impression, oui. Ce n’est pas parce que les autres ne le font pas que je le fais (sourires). Mais c’est vrai que le foot reste pour moi un plaisir.

Revenons à vos premiers mois délicats en tant que stagiaire.

Je me retrouve donc avec des jeunes joueurs, je suis blessé. Tout le monde rigolant par rapport à mon âge. Parce qu’à vingt-deux ans, se retrouver comme un joueur du centre de formation, c’était difficile.

A votre arrivée, il y a d’ailleurs un supporter qui vous interpelle pour vous dire qu’à vingt-deux ans, il est trop tard pour passer pro…

Il avait raison quelque part. C’était marrant. Enfin, sur le coup ça ne m’a pas fait rire. Mais finalement, c’est une petite phrase qui est restée. En analysant ma carrière, je me suis aperçu que j’ai toujours su m’accrocher dans l’adversité. Dans les moments difficiles, j’ai toujours répondu présent. Sur un terrain, si tu m’allumes un peu, ce n’est pas la meilleure solution pour me battre. A Nantes, après quelques mois, je regardais les pros et un supporter m’a demandé : « Mais tu as quel âge, toi ? ». J’ai répondu et il m’a dit naturellement : « Vingt-deux ans ? Pour toi c’est fini alors ». Naturellement. Ce n’était pas méchant de sa part.

Sur le coup, on encaisse difficilement.

Disons que ça fait drôle (sourires). En même temps, il avait raison sur le coup. J’étais blessé, pas très performant. C’est à cette période que j’ai rencontré un thérapeute qui m’a remis sur pieds. J’ai commencé à jouer en CFA 2, la deuxième réserve à l’époque. Ma chance a été que, la Gambardella à Nantes fonctionnant très bien, ils ont décidé de faire jouer tous les joueurs de Gambardella en CFA 2. Par ce changement, je me suis retrouvé à l’échelon supérieur, en CFA. Sur les derniers mois de la saison, je marque six, sept buts alors que je ne suis pas un buteur. Notamment un quadruplé contre Libourne-saint-Seurin, l’équipe de Jean-Marc Furlan. Le week-end suivant, je profite de quelques absences pour faire ma première apparition dans le groupe professionnel. L’année suivante, j’ai pu attaquer la saison avec l’effectif pro. C’était une première étape franchie.

On parle de la saison 96/97.

C’est ça. Je joue mon premier match en D1 en décembre 1996. Comme ce fut le cas à tous les niveaux par lesquels je suis passé, j’ai disputé des matchs qui m’ont permis de prendre conscience que j’avais le niveau. Un jour, en National avec Muret, je profite de blessures pour être titulaire face à Toulon. Je fais un match plein et je me suis dit « C’est bon, je peux le faire ». Je franchissais les étapes de cette façon.

Ce sont les matchs qui vous servaient de déclic.

Oui. On parlait de peur. Là, c’était l’inverse. Ces matchs me permettaient d’avoir confiance et de me dire : « J’en suis capable ». Là, c’était à Lyon, en décembre 1996, il y avait également de nombreux blessés. En gros, il n’avait plus que moi à faire jouer au milieu (rires). Je joue toute la rencontre et on l’emporte 1/0. Les six mois qui ont suivi, je n’ai pas rejoué en D1. Je suis retourné en réserve et ce fut une période assez difficile. J’avais le sentiment d’avoir répondu aux attentes et que derrière, il ne se passait rien. C’était compliqué à vivre. L’année suivante, c’est Denoueix qui reprend l’équipe…

… Et qui vous permet de vous imposer. Nous sommes en 97/98. Les quatre années suivantes seront couronnées de succès. Au niveau du jeu, ces années nantaises constituent-elles les plus beaux souvenirs de votre carrière ? Avez-vous ressenti, à plusieurs occasions, un sentiment de plénitude sur le terrain ?

J’ai connu ces moments. Ceux-là, on les regrette lorsque l’on arrête sa carrière. Je ne regrette pas du tout les autres (sourires). Les moments où tu n’es pas bien, où tu joues avec une pression négative, comme ce fut le cas à Lens la dernière année, avec des dissensions entre les dirigeants et des résultats médiocres. Les moments sur le terrain où tu t’éclates et où à l’entrainement tu prends du plaisir aussi, même s’il nous faisait pas mal courir (rires). Mais c’était du haut niveau d’entrainement. Mon malheur, entre guillemets, c’est d’avoir eu Reynald comme premier entraineur en pro. J’imaginais que tous les entraineurs étaient de ce niveau-là.

Vous avez connu le meilleur dès vos débuts.

Pour moi, c’était le meilleur. Fort sur tous les points. Même en terme d’éthique. C’est un des seuls entraineurs qui ne s’en prenait jamais aux arbitres. Il était essentiellement basé sur le jeu. Lorsqu’il y avait une erreur individuelle, il n’allait pas taper sur le gars qui avait fait l’erreur. Il disait : « Lui, il s’est loupé. Comment, vous, allez-vous pouvoir récupérer cette erreur ? ». Il n’y a quasiment aucun entraineur qui réfléchit ainsi.

Dans la façon dont on s’adresse aux joueurs, c’est décisif ? Dire « Ne perdez pas le ballon » ou « On va perdre le ballon, mais, comment va-t-on faire pour le récupérer », ça change tout pour le joueur ?

Oui, ça change tout. Même si le joueur a toujours tendance à se trouver des excuses. C’est humain. Dans l’esprit de beaucoup, si ce n’est pas toi qui a perdu le ballon, ce n’est pas de ta faute. Le fait d’inverser le processus et de dire : « Si lui perd le ballon et que nous, nous ne faisons pas ce qu’il faut pour essayer de le récupérer, ça sera aussi de notre faute ». Tu instaures un état d’esprit collectif. Dire aux joueurs « Ne perdez pas le ballon ! », ça ne signifie rien. Si tu as été joueur, tu sais très bien que des ballons tu en perdras forcément. « Te fais pas éliminer ! ». C’est pareil. Si tu joues face à Messi, tu ne peux pas ne pas te faire éliminer. « Ne prenez pas de but ! ». Super la consigne (rires) ! Se demander comment faire pour couvrir si ton partenaire se fait éliminer, c’est autre chose. Dans une équipe, tout le monde se retourne vers celui qui a fait l’erreur. Donc, ce n’est plus vraiment une équipe.

On va évoquer le staff que vous avez constitué autour de vous lors de vos années à Nantes. Un fascia-thérapeute, d’abord, en la personne de Stéphane Renaud (NDLR : Aujourd’hui à Dijon). A titre personnel, que vous a-t-il apporté ?

Beaucoup de choses. On parlait de cérébral, je suis très cartésien et, quand je me suis blessé dès mon arrivée, j’arrive chez un thérapeute pour soigner mon genou. Le gars commence à me faire du crânien. Je me demandais ce qu’il se passait. Cela faisait trois mois que je ne pouvais pas courir et lui m’a dit que deux jours après je serais en état de reprendre. Et j’ai repris. Je lui ai demandé des explications, je les ai eues petit à petit. La fascia-thérapie est une thérapie dérivée de l’ostéopathie. Le thérapeute agit au niveau des fascias (enveloppes des muscles, tête, os, coeur, poumons, etc.). Par exemple, j’ai un problème de dos en ce moment. Ce n’est pas forcément lié à mon dos. Pour donner un parallèle, quand tu as le voyant d’essence qui s’allume, si tu l’éteins, ça ne veut pas dire que tu as fait le plein. Tu n’iras pas bien loin. C’est un peu ça. J’ai commencé à travailler avec lui suite à ma blessure et nous avons entamé un travail de prévention. D’abord, tous les deux mois. Puis, toutes les semaines. Je lui ai alors proposé d’entamer un programme sur l’alimentation. Il m’a énormément conseillé et, comme il était très crédible pour moi au niveau thérapeutique, j’ai suivi chacun de ses conseils. On a toujours besoin de quelqu’un de crédible pour avancer. Je suis alors devenu un vrai professionnel, chose que je n’étais pas avant, notamment durant mes deux années stagiaire. La troisième saison, ça commençait à venir. La quatrième, quand j’ai commencé à jouer tous les matchs en pro, j’étais dans le vrai. Cela passait par beaucoup d’étirements, une alimentation adaptée. Stéphane Renaud m’a suivi chaque semaine jusqu’au terme de ma carrière. Quand on voit le peu de blessures que j’ai connues, on peut dire que c’était un bon choix. Ensemble, nous étions beaucoup sur le préventif. Tu prends des coups quand tu fais du sport mais il y aussi ce qu’on appelle les chocs émotionnels. Lorsque tu te fâches avec ton entraineur, par exemple, ça a des repercussions sur le corps. J’ai beaucoup travaillé là-dessus pour être un peu plus zen. J’étais un peu nerveux, par moment. Quand Suaudeau, par ses méthodes, me stressait, c’était difficile pour moi d’être détendu sur le terrain et donc performant. Il y avait donc un travail purement mécanique, mais également psychologique. On a fait beaucoup de chemin ensemble.

Dans ce staff, vous aviez également un tacticien vidéo en la personne de Mickael Kerleau.

A l’époque, beaucoup disaient que j’avais engagé une équipe autour de moi. Je dirais plutôt que j’ai rencontré des gens, tout simplement. Le thérapeute, c’était mon dernier recours avant l’opération. Je l’ai rencontré et j’ai vu que quelque chose se passait et qu’une collaboration pourrait me permettre d’être meilleur. C’est d’ailleurs Stéphane qui avait rencontré Mickael Kerleau et qui m’avait dit que je devrais prendre le temps de le voir car il l’avait trouvé intéressant. C’était un gars qui avait fait des études en STAPS à Rennes et qui s’était lancé dans des études de foot. On a entamé une collaboration pour voir ce que ça pouvait donner en faisant des séances sur le terrain. A Nantes, en dehors des heures d’entrainement.

Comment cela se traduisait ?

On faisait beaucoup de travail technique dans l’amélioration du jeu, la répétition de gestes. On analysait mes matchs. Il me montrait des séquences d’autres joueurs et me disait « Lui, il a ce mode de fonctionnement, toi, tu as celui-là. Si tu arrives à faire ce qu’il fait techniquement, ça te donnera d’autres possibilités » (il mime alors un exercice sur les techniques de passes et de contrôles de manière très détaillée en évoquant, par exemple, la rotation du ballon et son impact sur le contrôle). A la vidéo, je me souviens qu’on travaillait également les espaces qu’il fallait choisir, les espaces les plus dangereux, qui vont éliminer des joueurs. Autre chose aussi : est-ce qu’en récupérant le ballon de la droite et en le donnant à gauche, tu vas éliminer des joueurs ? Non. Pourtant c’est ce que l’on veut nous apprendre sans arrêt. Par contre, si tu prends le ballon de la droite, que tu fais mine d’aller à gauche et que tu reviens à droite, là tu peux éliminer trois, quatre joueurs sur une passe. Ça paraît tout bête. Mais regarde jouer Xavi, il ne fait que ça. Il y a des joueurs pour qui c’est naturel. Certains aspects du jeu étaient naturels pour moi. Le fait de les verbaliser, de comprendre pourquoi je les faisais, m’a permis de progresser encore plus. Tu vois, maintenant, je fais du futsal et je me régale, j’utilise ça sans arrêt.

Hormis vous, quel joueur avait conscience de ces aspects techniques du jeu ? Je n’ai jamais entendu parler de cela.

Même les entraineurs ne faisaient pas travailler ça car ils n’ont pas forcément le temps. Ils ont tout un groupe à s’occuper. Pour faire un parallèle, ce n’est pas parce qu’un élève prend des cours particuliers que son professeur est mauvais. Mais en cours particulier, le professeur est focalisé sur l’élève et peut lui permettre de progresser. De plus, ce n’est pas forcément l’élève qui a des difficultés qui prend ces cours, meme l’élève qui a des capacités et qui veut devenir meilleur peut le faire. C’est d’ailleurs pour ça que c’était génial de le faire. Je ne vois pas trop le mal (sourires). C’est mon éducation qui veut ça. Alors, à l’époque, je ne comprenais pas les réactions que ça engendrait. Je payais mon thérapeute et je payais cette personne. Plus je travaillais, plus j’étais bon, c’est un fait. Le summum a été le sacre de meilleur joueur du championnat que j’ai obtenu au terme de la saison 2000/2001. Avec Mickael Kerleau, j’allais m’entrainer une fois par semaine, nous faisions des séances de deux heures.

Le « Q.I basket » est une expression inventée par Monclar. Pour le foot, Daniel Riolo, éditorialiste à RMC l’a souvent reprise à l’antenne. On peut dire que votre « Q.I foot » était surdéveloppé ? Quel joueur réfléchit comme vous aujourd’hui ?

Oui, oui, c’est vrai. Il y a des joueurs qui pourraient avoir cette approche là mais aujourd’hui, le football est tellement basé sur l’aspect athlétique. Tu me demandes quel joueur pourrait réfléchir ainsi. Je te réponds les joueurs de Barcelone. Ils sont sans cesse sur le jeu, sur le fait de tromper l’adversaire. Je fais mine de m’arrêter, puis je redémarre. C’est le top. Ceux qui ont moins cette réflexion sont les joueurs athlétiques qui ont toujours fait des differences grâce à leurs qualités physiques.

Que vouliez-vous exprimer à l’instant quand vous disiez que vous ne voyiez pas le mal ? C’est en rapport avec le fait que ce staff personnel ait parfois déplu à vos coéquipiers, à vos dirigeants.

A cette période, j’ai eu beaucoup de problèmes à Nantes.

Que vous reprochait-on ? D’être trop professionnel ?

D’être individualiste. Ça pouvait paraître comme étant une démarche individualiste.

Mais l’individuel au service du collectif ? Lorsque l’on vous regarde jouer, le qualificatif « individualiste » est le dernier qui pourrait venir à l’esprit.

C’est pour cela que ça m’avait fait énormément de mal à l’époque. Je me disais : « C’est pas possible, quoi ! J’adore partager avec les autres ». Par contre, il est vrai que, bien que j’aie évolué de côté-là, si quelque chose ne me plait pas, ça se voit. J’ai appris par la suite qu’il était bon de composer, notamment quand tu évolues au sein d’une équipe. Cela paraît logique. Mais à l’époque, j’en avais assez. Je donnais le maximum, je faisais de gros matchs, l’équipe gagnait. Qu’est-ce que tu veux de plus ? J’ai reçu le prix de meilleur joueur, mais je serais curieux de savoir combien de joueurs de l’équipe ont voté pour moi. A mon avis, pas beaucoup.

C’est presque inexplicable, non ?

Tu sais, le foot reste très individualiste même s’il se définit comme étant un sport collectif. L’individualisme est causé par plusieurs facteurs, et, notamment, la médiatisation. Si tu prends de la place médiatiquement, inévitablement cela crée des jalousies et beaucoup aimeraient avoir ta place. Il y a aussi les salaires. Moi, j’ai toujours fonctionné en me disant « Lui, il a ce salaire-là, c’est super. Ça signifie que si je parviens à atteindre son niveau, je pourrai également postuler à ce salaire ». Jamais je n’ai remis en cause le salaire de mes partenaires. Entre nous, joueurs formés au club, il nous arrivait de discuter des salaires des uns et des autres. A mes débuts, Da Rocha ou Sibierski gagnaient beaucoup plus que moi et je trouvais ça tout à fait normal. Je n’étais pas encore à leur niveau. Tout le monde n’a pas cette démarche là. C’est un milieu dans lequel il y a beaucoup de jalousies, on le voit en équipe de France à l’heure actuelle. L’équipe de France, c’est la course à la médiatisation pour beaucoup de joueurs. D’ailleurs, je souhaiterais revenir sur un point que tu évoquais tout à l’heure…

… Allez-y.

Concernant ma fin de carrière à Lens et à Dijon, tu me demandais si les gars qui évoluaient avec moi se rendaient compte de la chance, d’ailleurs je ne sais pas si l’on peut parler de chance, d’évoluer à mes côtés. Le problème principal est que nous n’étions pas en phase au niveau du jeu. Avec quelques uns, oui. Le souci est que je ne l’étais pas non plus avec les entraineurs, ce qui est pire.

Revenons à votre parcours. J’ai eu le sentiment en me replongeant dans quelques uns des portraits qui vous furent consacrés dans la presse écrite que vous avez toujours été obnubilé par la progression. Si vous deviez décrire une courbe de progression, à quoi ressemblerait-elle ?

Pas facile. Ce que je peux dire c’est que lorsque j’ai arrêté ma carrière, j’étais encore bien. J’ai cette impression d’avoir donné le meilleur de moi-même et d’avoir vécu ce que j’avais à vivre. La déception, c’est ma dernière année à Lens. Le petit regret, c’est de n’avoir pas pu monter avec Dijon sur les deux saisons que j’y ai passées.

Je me permets d’insister sur votre progression personnelle.

J’ai progressé pendant longtemps. Le problème, comme je te le disais, c’est que je n’ai pas toujours été en phase avec le jeu pratiqué. Il était donc difficile de l’exploiter sur le terrain. Suaudeau disait récemment que j’aurais pu jouer dans l’équipe actuelle de Barcelone. Je ne crois pas que j’en avais le niveau mais, une chose est sûre, j’aurais rêvé de jouer avec eux. Ne serait-ce que m’entrainer. L’autre jour, j’ai rejoué avec Zinedine Zidane lors de notre formation commune (NDLR : Eric Carrière et Zinedine Zidane font partie de la même promotion dans l’optique d’obtenir un diplôme de manager sportif). C’était un vrai plaisir car on se comprenait dans les déplacements, ça c’est génial. Tu peux jouer contre trois, quatre mecs, si en étant à deux tu te déplaces bien, ça fonctionne. En plus, lui, avec le ballon il n’est pas mauvais (rires). Il y a l’aspect technique dont beaucoup de monde parle, mais quand deux joueurs se comprennent bien sur un déplacement, c’est primordial. Pour moi, c’est le plus agréable. Sentir le déplacement de ton partenaire sans trop l’avoir regardé et prendre le dessus sur plusieurs joueurs, c’est la meilleure sensation.

On parle de vos qualités naturelles : l’élimination, l’esquive même. La vision du jeu aussi.

On peut, en effet, parler d’esquive plus que d’élimination. Dans ce domaine, j’étais dans les moins bons lors des « un contre un » à l’entrainement. Par contre, en match, je me servais beaucoup de mes partenaires. Quand tu es en « un contre un » à l’entrainement, ton adversaire sait que tu ne feras pas de passe. Tandis que durant le match, tu fais mine de donner à droite et tu pars à gauche, c’est un dribble où d’autres paramètres entrent en jeu. Dans le « un contre un », c’est principalement le physique qui joue. Conserver le ballon en « un contre un », il n’y a aucun problème. Eliminer et partir vers le but, ça a toujours été plus difficile pour moi du fait de mon manque de vitesse. Quant à la vision du jeu, oui. Peu d’entraineurs l’évoquent mais il faut savoir que, ça rejoint ce dont nous parlions, la peur réduit le champs de vision du joueur. Alors que quand tu es bien, que la réalisation technique du geste n’est pas un problème et qu’en plus de cela, tu as les bons mouvements autour de toi, tous les voyants sont au vert. Moi, si je n’ai pas les bons déplacements autour, je suis mort. J’ai connu une période où tous ces facteurs étaient réunis, c’était en équipe de France…

La transition est toute trouvée pour évoquer vos dix sélections en Bleu. Mais aussi votre non-sélection pour la Coupe du Monde qui a énormément déçu votre entourage. A titre personnel, ce qui vous a le plus déçu n’était-il pas le fait de quitter une équipe dans laquelle vous étiez totalement à l’aise ?

Oui, c’est juste ça, le plaisir du jeu qu’il y avait. Souvent, on me demande de comparer les époques. A l’époque, c’était simple, les mecs aimaient le foot. Les Pires, Dugarry, Zidane, Leboeuf. Tous aimaient jouer au foot. Sur le terrain, à l’entrainement, ça jouait en deux touches de balles. Ce n’était pas chacun avec son ballon. Concernant ma non-sélection, je suis toujours parti du principe que si tu y es, c’est que tu le mérites et que si tu n’y es pas, c’est que tu ne le mérites pas. Quand tu pars de ce principe et si tu l’appliques vraiment, il n’y a aucune déception à avoir. Je n’ai pas été pris à la Coupe du Monde 2002 aux dépens de Micoud. J’étais plus fort que Micoud ? Je ne peux pas dire ça. Je pense qu’on était d’un niveau intéressant tous les deux mais je ne peux pas dire que ce fut une injustice de ne pas être sélectionné.

Ce qui aurait pu entrainer une réaction différente de votre part, c’est que lors de chacune de vos sélections, vous avez été très performant sous le maillot Bleu.

Tant mieux (rires) ! Je préfère sortir comme ça plutôt qu’en ayant été médiocre. Je termine ma carrière internationale sur un doublé. Je pense qu’on est peu dans ce cas-là (rires). A cette époque, je suis en grande forme à Lyon. Et puis vient un match à Sedan, le dernier de l’année civile, en 2002. Je me fais bien attraper, volontairement d’ailleurs, par M’Bami. Sans que les ligaments croisés soient touchés, je charge un peu. Je passe les vacances en souffrant et dès la reprise, je ne suis pas bon. Cette situation durera trois, quatre mois. Je suis moyen, j’ai toujours mal. Je n’ai jamais retrouvé le niveau qui avait été le mien en début de saison. C’est aussi une période où la concurrence s’accroît au milieu avec Essien, Diarra et toujours Juninho. J’ai moins joué par la suite et je ne suis donc pas reparti en équipe de France.

Parlons un peu de votre positionnement sur le terrain. A Lyon, vous étiez parfois excentré en raison de cette concurrence et du schéma mis en place. A Nantes, par contre, vous avez le plus souvent évolué devant la défense, en vous projetant vers l’avant comme un véritable meneur de jeu lorsque votre équipe avait le ballon. Est-ce le poste auquel vous avez été le plus performant au cours de votre carrière ?

J’ai adoré ce poste. Tout dépendait aux côtés de qui j’évoluais mais, à cette époque là, c’était le meilleur pour moi. A droite, il y avait Da Rocha qui disposait d’importantes capacités dans la répétition des efforts. Si j’avais joué dans ce rôle là avec Menez, Pastore et Nene, pas sûr que ça l’aurait fait. En plus, si tu joues à ce poste et que tu donnes le ballon vers l’avant, il faut qu’on te le rende pour pouvoir te projeter. Là, il y avait Moldovan qui jouait devant et qui était un super remiseur. C’est le positionnement que j’ai le plus apprécié à Nantes. L’année du titre, nous démarrons le championnat assez mal. J’évoluais alors sur le côté droit où je n’étais vraiment pas à l’aise bien que je sois meilleur passeur du championnat à ce moment-là. J’ai été voir le coach et je lui ai dit : « Ecoutez, mettez-moi dans l’axe ». Et il m’a mis dans l’axe. J’ai joué aux côtés de Berson qui était un vrai récupérateur, intelligent tactiquement. Nous n’étions pas costauds mais nous avons tout de même été la paire sacrée championne de France.

A Lyon, on vous excentre un peu.

A gauche, à droite.

Diriez-vous que, plus que pour n’importe quel autre joueur, votre positionnement sur le terrain pouvait influer sur votre rendement ?

Je suis un joueur qui a besoin de toucher beaucoup le ballon.

Et, donc, d’être au cœur du jeu.

Tout à fait, sinon je n’ai pas de sensations. Si je touche le ballon une fois toutes les deux minutes, ce n’est pas suffisant et ça entrainera plus de déchet dans mon jeu. Par contre, si je touche souvent le ballon, je deviens dangereux. C’est pour ça que le rôle de neuf et demi, juste derrière l’attaquant, était intéressant. C’est là que m’a positionné Paul Le Guen.

Reprenons le fil de votre parcours. A l’été 2004, vous signez à Lens qui est alors réputée comme étant une équipe très physique.

Oui, l’idée était alors de changer cela.

Vous étiez la première pierre de l’édifice.

C’est ça. Nicolas Gillet, Hilton et Jérôme Leroy sont ensuite arrivés. C’est principalement Gervais Martel qui est venu me voir et qui m’a convaincu. Je ne jouais plus beaucoup. Je voyais bien que Diarra et Essien étaient très costauds. Juninho était toujours très fort. J’ai donc choisi un nouveau challenge auprès de Gervais qui a une vraie capacité à fédérer autour de lui. J’avais été charmé et je ne regrette pas d’être parti là-bas. C’est plus la façon dont tout s’est goupillé qui a été difficile. En 2004, on a bien débuté avant de s’effondrer. Très vite, l’équipe a décidé d’arrêter de jouer. Ça, c’était très fort. Quand tu entends ça dans un vestiaire…

Ce sont des propos qui ont été tenus par l’entraineur de l’époque, Joel Muller ?

Non, par les joueurs. C’est quelque chose qui arrive souvent. « On joue trop ». J’interviens, je leur dis « Ecoutez les gars, si demain on joue moins au ballon et qu’on obtient des résultats de manière certaine, pas de problème ». Mais où tu as vu ça (sourires) ? En étant formé à Nantes et en ayant toujours entendu : « Si tu joues au ballon, tu as plus de chances de l’emporter même si cela ne veut pas dire que tu vas gagner à chaque fois », ça fait drôle.

A Lens, vous avez parfois été positionné milieu droit. Presque en véritable ailier. Comment était-il possible de vous aligner à ce poste alors que vous n’aviez pas les qualités de vitesse nécessaire pour cela ?

Lorsque Francis Gillot est devenu l’entraineur, il a rapidement mis en place un 4/4/2 avec deux joueurs excentrés. C’est pour cela que j’ai peu joué dans l’axe.

On va évoquer l’un des moments les plus difficiles de votre carrière. En janvier 2005, vous affrontez Istres à Bollaert. Vous êtes victime d’insultes et même d’un crachat venant de la tribune Marek. Que ressentiez-vous à ce moment-là ?

Tu vois, j’avais presque oublié (sourires). Là, je saturais. Je prenais les évènements très à cœur lorsque ça ne se passait pas bien. C’est un côté, chez moi, qui a pu me desservir durant ma carrière. Disons que ça ne m’aidait pas dans mes prestations. En plus, j’avais été capitaine dès mon arrivée à Lens. C’était une erreur, la mienne aussi.

C’est intéressant car, en préparant cet entretien, j’avais noté que vous aviez pris tous les maux du club sur vous à cette période. Que ce soit la crise sportive, les conflits avec une partie du public…

Oui, et puis, tu arrives dans un nouveau club, certains joueurs sont là depuis longtemps… Ça rejoint ce que nous disions tout à l’heure concernant les mentalités de chacun. Ça ne fait pas forcément corps dans une équipe. C’était compliqué car je me mettais la pression. Autant, en cas de victoire, je ne suis pas du style à vouloir obtenir les louanges des gens, autant lorsque l’on perdait, je me sentais responsable, je m’en voulais de ne pas apporter plus. Je me disais qu’il fallait que j’assume.

Dans la période de saturation que vous décrivez, songe-t-on à partir ? Voire à mettre un terme à sa carrière ?

Non, non. Partir, oui, ça aurait pu être une possibilité si on me l’avait demandé. Ce qui était difficile, c’est que j’étais arrivé à un niveau où je subissais tellement les évènements que je n’étais pas bon. Et je savais que le match d’après, je ne serais pas bon non plus. Il faut un peu de temps avant de pouvoir relever la tête.

Comment expliquez-vous que vous ayez connu tant de difficultés avec chacun des entraineurs passés par Lens ? Avec Gillot, cela a pris du temps mais, lors de sa dernière saison, en 2006/2007, vous jouez plus régulièrement.

C’est vrai mais ça n’a jamais été l’entente parfaite entre nous.

Pourtant c’est un entraineur connu pour avoir une vraie philosophie de jeu. Pourquoi n’étiez-vous pas en phase ?

Il y a plusieurs éléments. A l’époque, je pense que c’était un entraineur qui préférait les joueurs en capacités de faire des différences individuelles. J’ai l’impression qu’il a un peu évolué sur le sujet. On s’est croisé lorsqu’il était encore à Sochaux et il me disait « J’ai un super joueur, Nogueira, il me fait penser à toi ». Je pensais : « Attends, tu aurais pu me faire jouer un peu plus quand même ! » (rires). Et puis il y a un autre élément, qui rejoint un peu mes difficultés à Nantes, j’étais très apprécié des supporters. Même chose quand Guy Roux est arrivé, j’avais l’impression que ça dérangeait.

Comment un entraineur peut-il prendre un compte le paramètre du public dans un choix de joueurs ?

Ce n’est qu’une interprétation de ma part.

On sait que vous êtes quelqu’un de modéré dans vos propos, si vous le dites, c’est que vous le pensez, non ?

Je l’ai ressenti. Comment est-ce possible ? Je ne sais pas. Daniel Leclercq, c’était pareil, je le dérangeais très clairement. C’est fou…

Lorsque le duo Papin/Leclercq a été instauré, et connaissant un peu le jeu pratiqué par ce dernier, j’ai toujours pensé que Leclercq aurait insisté pour vous mettre sur le terrain.

Ce n’était pas le cas.

Pourquoi ? Avez-vous échangé avec lui ?

C’était quelqu’un de très particulier. La raison est simple, j’étais très proche de Francis Collado (NDLR : directeur administratif et financier) qui, selon moi, a énormément fait pour le club, ce qui ne s’est jamais su. Cela ressemblait donc a une raison extra-sportive, ce qui me paraît aberrant !

Il était très critiqué par les supporters.

A leurs yeux, c’était lui qui faisait le recrutement. Crois-tu vraiment qu’il était en capacité, à lui seul, de faire le recrutement ? C’est lui qui négociait les contrats avec les joueurs. Ça s’arrêtait là. Guy Roux, lorsqu’il est arrivé, il a dit que ce n’était pas lui qui faisait le recrutement. Je sais pourtant que c’était lui. Je le sais.

D’ailleurs, durant l’intersaison, il y a un buzz à propos du trio Ivoirien qu’il forme avec Aruna, Akale et Kalou.

Bien sûr. Bonaventure Kalou, je savais très bien qu’il signerait. Tu sais, j’ai un mode de fonctionnement, que je compte bien garder, qui est très franc. J’allais voir les entraineurs et je leur parlais. Francis Gillot, par exemple. L’année où il a pris la tête de l’équipe, je lui ai demandé s’il avait besoin de moi. Il m’a répondu positivement en me disant que je serais en concurrence avec d’autres joueurs. Au final, il y a six joueurs qui jouaient avant moi. J’aurais préféré qu’on me dise les choses franchement. Guy Roux, j’ai été le voir pour lui dire que je savais qu’il voulait recruter Bonaventure Kalou. Il me certifiait que non. Un entraineur a le droit de ne plus vouloir d’un joueur. Simplement, il faut trouver les bonnes formules pour tout le monde y trouve son compte. Si Guy Roux m’avait dit qu’il ne voulait plus de moi. Ça aurait été plus honnête et je serais parti ailleurs. Là, il me disait que l’on jouerait tous les deux, en alternance. Etant donné qu’il n’avait jamais fait tourner son effectif à Auxerre, j’étais étonné. La première semaine, Kalou joue les trois matchs. Il joue les deux rencontres de championnat et le match de coupe d’Europe en milieu de semaine malgré une opération des dents de sagesse deux jours plus tôt. A Valenciennes, la semaine suivante, je ne joue toujours pas.

Que faites-vous à ce moment là ? Vous reprenez rendez-vous avec votre entraineur ?

C’est lui qui m’a convoqué. Après le match de Valenciennes, un journaliste me pose une question sur mon avenir et je réponds qu’évidemment, dans ces conditions, je pense à un départ. En plus, à cette période, Guy Roux répétait sans cesse que Kalou n’était pas encore en forme. Un gars qui est à cours de forme, tu ne le fais pas jouer trois fois la même semaine. L’article sort dans la presse, et, le lendemain, des supporters viennent à l’entrainement. Tu es au courant de ça ?

Je me rappelle d’une vraie mobilisation autour de vous (NDLR : Des banderoles et une pétition avaient été créées par les supporters en soutien à Eric).

Oui. Je ne savais même pas qu’ils venaient pour moi. Il me convoque donc, m’avertit et me dit que mon comportement est individualiste. Je lui réponds que je n’ai pas de leçon à recevoir de sa part sur ce point, notamment par rapport à l’histoire du bandeau de strap sur le cigle Nike afin d’obtenir un contrat personnel ! Trois jours plus tard, il partait. Maintenant, nous sommes tous les deux consultants sur canal et nos rapports ne sont plus conflictuels.

D’ailleurs, la veille de son dernier match à Strasbourg, il annonce lors du point presse que vous allez enfin avoir du temps de jeu dans les semaines à venir.

Oui, oui. Il avait déjà négocié son départ. C’est cette année-là, en 2007/2008, que j’ai failli arrêter.

Et pourtant j’ai le souvenir que vous étiez encore très performant. J’ai en mémoire un match face à Marseille où l’équipe est menée 2/0. Vous entrez à la mi-temps et l’équipe change totalement de visage sous votre impulsion.

Ce match, je l’ai encore en travers. On est mené 2/0, on revient puis on mène 3/2. Et sur la dernière action du match, Belhadj part à l’abordage sur le côté. Pourtant, on lui avait dit de rester prudent en fin de rencontre…

Quand on voit l’effectif Lensois cette année, la descente paraît incroyable…

C’était incroyable.

Terminons sur vos parcours à Lens. Encore aujourd’hui, personne ne comprend pourquoi les dirigeants vous ont laissé partir alors que étiez prêt à de réels sacrifices sur le plan financier.

Tu vas rire mais je n’étais pas prêt à faire des efforts sur le plan salarial. Je n’avais rien, j’étais en fin de contrat. Quand tu es en fin de contrat, tu ne peux pas dire que tu vas faire des efforts salariaux. C’est simple, j’ai dit à Gervais que ma priorité était de rester à Lens. Il n’y avait même pas de question financière. Il m’aurait proposé 10 000 euros, je restais à Lens.

Vraiment ?

Oui, vraiment. C’est aussi parce qu’humainement j’étais proche de ce club. Après le dernier match de championnat, je suis passé chez les Tigers. On était un peu tous à la rue. C’était dur. Aujourd’hui, je sais que c’est Daniel Leclercq qui ne souhaitait pas que je reste. Ils ont mis un mois pour me le dire. J’avais d’autres clubs qui me contactaient, j’ai toujours répondu non, que ma priorité était de rester à Lens. Après ça, quand je lis dans un article Daniel Leclercq dire à mon sujet : « Encore faudrait-il qu’il veuille rester », j’encaisse mal. J’avais répondu en disant : « Je suis surpris qu’un directeur sportif n’ait pas mon numéro de téléphone ». S’il avait voulu savoir si je voulais rester, il m’aurait téléphoné et je lui aurais dit. Quand il y a des luttes, des querelles internes dans les clubs, c’est une catastrophe. Il y en avait beaucoup trop cette année-là. C’est pour ça aussi que j’étais à la limite d’arrêter. Avec le recul, je me rends compte que d’avoir terminé à Dijon n’était pas plus mal.

On va terminer en évoquant votre reconversion. Vous avez poursuivi une brillante formation d’entraineur en obtenant le BE1 puis le BE2. Vous êtes actuellement en formation pour devenir manager sportif à l’horizon 2013. C’est le meilleur moyen d’avoir ensuite toutes les cartes en main ?

Etant joueur de belotte et de tarot, j’aime bien avoir toutes les cartes en main (rires). Plus sérieusement, je me donne les moyens de. Je ne suis pas encore persuadé que c’est vers ces métiers là que je me tournerai. Pas par manque de passion. Plutôt d’un point de vue familial. Ce n’est pas toujours compatible. Tout à l’heure, on parlait de jeu tous les deux et je me rends compte que j’adore ça. Je sais que j’aurais beaucoup à apprendre à certains joueurs. Surtout en étant entraineur, voire manager. On t’écoute. Quand tu es simplement coéquipier, de joueur à joueur, c’est plus compliqué.

Après cet entretien, j’estime qu’il serait dommage que le football Français se passe de votre expérience et de votre vision de ce sport.

Oui, mais ça serait également dommage que familialement, ça devienne difficile pour moi. Je vois comment vivent certaines personnes dans le milieu du foot et je ne veux pas de cette vie là. Ça ne veut pas dire que ce n’est pas bien. C’est un choix de vie. Même chose pour le rôle de consultant. J’essaye de me limiter à un match de championnat sur deux aux commentaires. Les spécialistes (NDLR : ), à peu près une fois toutes les trois semaines. Si on y ajoute l’Europa League, c’est déjà pas mal.

De plus, entraineur ou manager, c’est un poste qui doit occuper l’esprit quasiment sans arrêt. Ça ne se limite pas seulement aux horaires d’entrainements et aux jours de match.

Oui. C’est vrai que ça doit être génial, prenant. Mais j’ai l’impression qu’ils ont beaucoup de soucis surtout. Et la vie défile…

Au jour d’aujourd’hui, si vous aviez un choix à faire. Vous souhaiteriez retourner au bord des terrains ? Ou prendre un peu de hauteur pour devenir manager ?

En fait, tout dépend de l’organisation du club. Si c’est pour être entraineur et ne pas t’entendre avec le manager ou le président, c’est compliqué. L’inverse est vrai aussi. On ne peut pas tout prévoir à l’avance, mais, si je ne ressens pas de bonnes conditions avec les membres de l’organigramme, je n’irai pas. Je ne chercherai pas un poste pour avoir un poste. Je peux faire d’autres chose. C’est l’avantage. Je dispose d’une certaine liberté qui me permet de faire ce dont j’ai envie.

Pour conclure, je souhaitais revenir sur votre vision du football. Vous avez pris position dans un livre de propositions en collaboration avec le journal L’EQUIPE. Vous déplorez, notamment, l’évolution des mentalités. L’argent qui a pris le pas sur la passion. A ce propos, vous citez une anecdote qui peut faire sourire, ou non. Vous dites qu’en fin de carrière, certains joueurs disaient que s’ils venaient à gagner au loto, ils arrêteraient le foot. Pour un supporter lambda, ça paraît incroyable.

Pour un joueur de foot professionnel, qui aime son métier, c’était incroyable (rires). Je leur disais : « Attends, tu gagnes tous les mois au loto ». Même si tu gagnes le gros lot, si tu es passionné, tu n’arrêtes pas. C’est ça qui me dérange le plus, finalement. Quand tu es sur le terrain, comment veux-tu t’entendre avec le gars, lui parler de jeu, si lui s’en moque complétement ? Benoit Assou-Ekotto le disait clairement, il jouait pour l’argent. Tout le monde trouvait ça super honnête. Sauf qu’après, ce type de joueurs se retrouve à disputer la Coupe du Monde sans prendre conscience de l’importance de l’événement. Pour mes propositions, je suis parti d’un constat personnel. Quand tu gagnes de l’argent, certaines sommes peuvent te paraître dérisoires. Si je suis moins déphasé que d’autres à ce niveau là, c’est grâce à mes racines. Je reviens à ce que je faisais quand j’étais jeune. J’ai castré le maïs, j’ai arraché l’ail et j’ai vendu des melons. C’est idiot mais c’est ce que font une majorité des étudiants. C’est de là que sont venues mes propositions (voir article).

On ne l’a pas évoqué mais vous vous êtes également lancé dans la vente de vins…

C’est une activité qui me prend beaucoup de temps, qui me plait beaucoup. C’est un milieu fidèle. De par mes grands-parents, je viens de ce milieu. Je m’y retrouve.

Merci Eric.

Par Bastien Kossek
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